Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/252

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J’étais hors d’état de l’interrompre. Je tremblais, je m’exhortais à l’audace.

— D’ailleurs, entre nous, les mots sont inutiles, avait-elle repris. Vous savez, nous avons conclu un marché…

Elle riait en disant cela. Ce rire m’a décidé brusquement. Je lui ai saisi les mains, et elle ne les a pas retirées. Je les sentais toutes petites et toutes tièdes dans les miennes. Elle les abandonnait amicalement, familièrement, tandis qu’elle répétait :

— Oui, n’est-ce pas ? c’est à moi de m’exécuter maintenant.

Alors, j’ai osé la brutaliser, lui tirer les mains pour les poser sur mes lèvres. L’ombre avait augmenté, un nuage devait passer sur nos têtes ; l’odeur forte des herbes me grisait, dans ce trou de feuillage. Mais, avant que mes lèvres se soient posées sur sa peau, elle s’est dégagée avec une force nerveuse que je n’aurais pas soupçonnée, et à son tour elle m’a pris rudement par les poignets. Elle me maintenait, sans colère, la voix toujours calme, un peu grondante pourtant.

— Voyons, ne faites pas d’enfantillages, a-t-elle dit. Voilà ce que je craignais. Me permet-