Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/265

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la tête, la regarda une seconde, et rougit.

— Tiens ! murmura M. Chabre, en voilà un au moins qui a une figure humaine. Ça fera un beau carabinier.

— C’est monsieur Hector, dit la servante de l’hôtel, qui avait entendu. Il accompagne sa maman, madame de Plougastel… Oh ! un enfant bien doux, bien honnête !

Pendant le déjeuner, à table d’hôte, les Chabre assistèrent à une vive discussion. Le conservateur des hypothèques, qui prenait ses repas à l’hôtel du Commerce, vanta la vie patriarcale de Guérande, surtout les bonnes mœurs de la jeunesse. À l’entendre, c’était l’éducation religieuse qui conservait ainsi l’innocence des habitants. Et il donnait des exemples, il citait des faits. Mais un commis voyageur, arrivé du matin, avec des caisses de bijoux faux, ricanait, en racontant qu’il avait aperçu, le long du chemin, des filles et des garçons qui s’embrassaient derrière les haies. Il aurait voulu voir les gars du pays, si on leur avait mis sous le nez des dames aimables. Et il finit par plaisanter la religion, les curés et les religieuses, si bien que le conservateur des hypothèques jeta sa serviette et s’en alla, suffoqué. Les Chabre avaient mangé, sans dire un mot, le