Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/272

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roulait jusqu’à ses semelles, il se reculait avec un tressaillement, comme devant une bête méchante montrant les dents. D’ailleurs, l’eau aurait dérangé sa correction habituelle, il la trouvait malpropre et inconvenante.

— Alors, elle est bonne ? répéta-t-il, étourdi par la chaleur, pris d’une somnolence inquiète sur ce bout de jetée.

Estelle ne répondit pas, battant l’eau de ses bras, nageant en chien. D’une hardiesse garçonnière, elle se baignait pendant des heures, ce qui consternait son mari, car il croyait décent de l’attendre sur le bord. À Piriac, Estelle avait trouvé le bain qu’elle aimait. Elle dédaignait la plage en pente, qu’il faut descendre longtemps, avant d’enfoncer jusqu’à la ceinture. Elle se rendait à l’extrémité de la jetée, enveloppée dans son peignoir de molleton blanc, le laissait glisser de ses épaules et piquait tranquillement une tête. Il lui fallait six mètres de fond, disait-elle, pour ne pas se cogner aux rochers. Son costume de bain sans jupe, fait d’une seule pièce, dessinait sa haute taille ; et la longue ceinture bleue qui lui ceignait les reins la cambrait, les hanches balancées d’un mouvement rythmique. Dans l’eau claire, les cheveux emprisonnés