Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/274

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bien ne pas t’éloigner !… Tu sais que je déteste les imprudences.

Mais Estelle ne l’écoutait pas, il dut se résigner. Debout, se haussant pour suivre la tache blanche que le chapeau de paille de sa femme faisait sur l’eau, il se contenta de changer de main son ombrelle, sous laquelle l’air surchauffé le suffoquait de plus en plus.

— Qu’a-t-elle donc vu ? murmurait-il. Ah ! oui, cette chose qui flotte là-bas… Quelque saleté. Un paquet d’algues, bien sûr. Ou un baril… Tiens ! non, ça bouge.

Et, tout d’un coup, il reconnut l’objet.

— Mais c’est un monsieur qui nage !

Estelle, cependant, après quelques brassées, avait aussi parfaitement reconnu que c’était un monsieur. Alors, elle cessa de nager droit à lui, ce qu’elle sentait peu convenable. Mais, par coquetterie, heureuse de montrer sa hardiesse, elle ne revint pas à la jetée, elle continua de se diriger vers la pleine mer. Elle avançait paisiblement, sans paraître apercevoir le nageur. Celui-ci, comme si un courant l’avait porté, obliquait peu à peu vers elle. Puis, quand elle se tourna pour revenir à la jetée, il y eut une rencontre qui parut toute fortuite.