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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/29

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droit de vie et de mort sur les siens. Un jour, Naïs, rouée de coups, ayant osé lever la main pour se défendre, il avait failli la tuer. La jeune fille, après ces corrections, restait frémissante. Elle s’asseyait par terre, dans un coin noir, et là, les yeux secs, dévorait l’affront. Une rancune sombre la tenait ainsi muette pendant des heures, à rouler des vengeances qu’elle ne pouvait exécuter. C’était le sang même de son père qui se révoltait en elle, un emportement aveugle, un besoin furieux d’être la plus forte. Quand elle voyait sa mère, tremblante et soumise, se faire toute petite devant Micoulin, elle la regardait pleine de mépris.

Elle disait souvent : « Si j’avais un mari comme ça, je le tuerais. » Naïs préférait encore les jours où elle était battue, car ces violences la secouaient. Les autres jours, elle menait une existence si étroite, si enfermée, qu’elle se mourait d’ennui. Son père lui défendait de descendre à L’Estaque, la tenait à la maison dans des occupations continuelles ; et, même lorsqu’elle n’avait rien à faire, il voulait qu’elle restât là, sous ses yeux. Aussi attendait-elle le mois de septembre avec impatience ; dès que les maîtres habitaient la Blancarde, la surveillance de Micoulin se relâchait forcément.