Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saient dans le sable, choisissait les endroits secs, avec cette allure prudente et balancée d’un Parisien qui chercherait la pointe des pavés de la rue Vivienne, un jour de boue. Il soufflait déjà, il demandait à chaque instant :

— C’est donc bien loin, monsieur Hector ?… Tenez ! pourquoi ne pêchons-nous pas là ? Je vois des crevettes, je vous assure… D’ailleurs, il y en a partout dans la mer, n’est-ce pas ? et je parie qu’il suffit de pousser son filet.

— Poussez, poussez, monsieur Chabre, répondait Hector.

Et M. Chabre, pour respirer, donnait un coup de filet dans une mare grande comme la main. Il ne prenait rien, pas même une herbe, tant le trou d’eau était vide et clair. Alors, il se remettait en marche d’un air digne, les lèvres pincées. Mais, comme il perdait du chemin à vouloir prouver qu’il devait y avoir des crevettes partout, il finissait par se trouver considérablement en arrière.

La mer baissait toujours, se reculait à plus d’un kilomètre des côtes. Le fond de galets et de roches se vidait, étalant à perte de vue un désert mouillé, raboteux, d’une grandeur triste, pareil à un large pays plat qu’un orage aurait dévasté.