Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/300

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On ne voyait, au loin, que la ligne verte de la mer, s’abaissant encore, comme si la terre l’avait bue ; tandis que des rochers noirs, en longues bandes étroites, surgissaient, allongeaient lentement des promontoires dans l’eau morte. Estelle, debout, regardait cette immensité nue.

— Que c’est grand ! murmura-t-elle.

Hector lui désignait du doigt certains rochers, des blocs verdis, formant des parquets usés par la houle.

— Celui-ci, expliquait-il, ne se découvre que deux fois chaque mois. On va y chercher des moules… Apercevez-vous là-bas cette tache brune ? Ce sont les « Vaches-Rousses », le meilleur endroit pour les homards. On les voit seulement aux deux grandes marées de l’année… Mais dépêchons-nous. Nous allons à ces roches dont la pointe commence à se montrer.

Lorsque Estelle entra dans la mer, ce fut une joie. Elle levait les pieds très haut, les tapait fortement, en riant du rejaillissement de l’écume. Puis, quand elle eut de l’eau jusqu’aux genoux, il lui fallut lutter contre le flot ; et cela l’égayait de marcher vite, de sentir cette résistance, ce glissement rude et continu qui fouettait ses jambes.