Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/308

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tant de peur en sentant la mer lui monter aux aisselles, Hector se risqua, baisa une des petites mains qu’il avait sur les épaules. Estelle voulut les retirer, mais il lui dit de ne pas bouger, ou qu’il ne répondait de rien. Et il se remit à couvrir les mains de baisers. Elles étaient fraîches et salées, il buvait sur elles les voluptés amères de l’océan.

— Je vous en prie, laissez-moi, répétait Estelle, en affectant un air courroucé. Vous abusez étrangement… Je saute dans l’eau, si vous recommencez.

Il recommençait, et elle ne sautait pas. Il la serrait étroitement aux chevilles, il lui dévorait toujours les mains, sans dire une parole, guettant seulement ce qu’on voyait encore du dos de M. Chabre, un reste de dos tragique qui manquait de sombrer à chaque pas.

— Vous dites à droite ? implora le mari.

— À gauche, si vous voulez !

M. Chabre fit un pas à gauche et poussa un cri. Il venait de s’enfoncer jusqu’au cou, son nœud de cravate se noyait. Hector, tout à l’aise, lâcha son aveu.

— Je vous aime, madame…

— Taisez-vous, monsieur, je vous l’ordonne.