Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/31

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la couvait-il de ses petits yeux, en la voyant embellir. Elle riait trop, cela ne lui paraissait pas naturel qu’une fille fût si gaie. Et il se promettait d’étrangler les amoureux, s’il en découvrait jamais autour de ses jupes.

Des amoureux, Naïs en aurait eu des douzaines, mais elle les décourageait. Elle se moquait de tous les garçons. Son seul bon ami était un bossu, occupé à la même tuilerie qu’elle, un petit homme nommé Toine, que la Maison des enfants trouvés d’Aix avait envoyé à L’Estaque, et qui était resté là, adopté par le pays. Il riait d’un joli rire, ce bossu, avec son profil de polichinelle. Naïs le tolérait pour sa douceur. Elle faisait de lui ce qu’elle voulait, le rudoyait souvent, lorsqu’elle avait à se venger sur quelqu’un d’une violence de son père. Du reste, cela ne tirait pas à conséquence. Dans le pays, on riait de Toine. Micoulin avait dit : « Je lui permets le bossu, je la connais, elle est trop fière ! »

Cette année-là, quand madame Rostand fut installée à la Blancarde, elle demanda au méger de lui prêter Naïs, une de ses bonnes étant malade. Justement, la tuilerie chômait. D’ailleurs, Micoulin, si dur pour les siens, se montrait politique à l’égard des maîtres ; il n’aurait pas refusé