Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/323

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Elle ne répondait pas, étouffée, comme soulevée par cette mer qui montait. Sur le sable fin, à demi couchée maintenant, elle ressemblait à une fille des eaux, surprise et déjà sans défense.

Et, brusquement, la voix de M. Chabre leur arriva, légère, aérienne.

— Vous n’avez pas faim ? Je crève, moi !… Heureusement que j’ai mon couteau. Je prends un à-compte, vous savez, je mange les arapèdes.

— Je vous aime, Estelle, répétait toujours Hector, qui la tenait à pleins bras.

La nuit était noire, la mer blanche éclairait le ciel. À l’entrée de la grotte, l’eau avait une longue plainte, tandis que, sous la voûte, un dernier reste de jour venait de s’éteindre. Une odeur de fécondité montait des vagues vivantes. Alors, Estelle laissa lentement tomber sa tête sur l’épaule d’Hector. Et le vent du soir emporta des soupirs.

En haut, à la clarté des étoiles, M. Chabre mangeait ses coquillages, méthodiquement. Il s’en donnait une indigestion, sans pain, avalant tout.