Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/331

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la richesse à tout le monde, la justice et l’égalité régnant partout, en haut et en bas.

— Comme en 93, ajoutait-il carrément, sans savoir.

Damour restait grave. Lui aussi était républicain, parce que, depuis le berceau, il entendait dire autour de lui que la république serait un jour le triomphe de l’ouvrier, le bonheur universel. Mais il n’avait pas d’idée arrêtée sur la façon dont les choses devaient se passer. Aussi écoutait-il Berru avec attention, trouvant qu’il raisonnait très bien, et que, pour sûr, la république arrivait comme il le disait. Il s’enflammait, il croyait fermement que, si Paris entier, les hommes, les femmes, les enfants, avaient marché sur Versailles en chantant la Marseillaise, on aurait culbuté les Prussiens, tendu la main à la province et fondé le gouvernement du peuple, celui qui devait donner des rentes à tous les citoyens.

— Prends garde, répétait Félicie pleine de méfiance, ça finira mal, avec ton Berru. Nourris-le, puisque ça te fait plaisir ; mais laisse-le aller se faire casser la tête tout seul.

Elle aussi voulait la république. En 48, son père était mort sur une barricade. Seulement, ce souvenir, au lieu de l’affoler, la rendait raison-