Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/333

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vince, une sortie victorieuse qui allait enfin délivrer Paris ; et le ménage ne fut pas effrayé d’abord, espérant sans cesse que le travail reprendrait. Félicie faisait des miracles, on vécut au jour le jour de ce pain noir du siège, que seule la petite Louise ne pouvait digérer. Alors, Damour et Eugène achevèrent de se monter la tête, ainsi que disait la mère. Oisifs du matin au soir, sortis de leurs habitudes, et les bras mous depuis qu’ils avaient quitté l’étau, ils vivaient dans un malaise, dans un effarement plein d’imaginations baroques et sanglantes. Tous deux s’étaient bien mis d’un bataillon de marche, seulement, ce bataillon, comme beaucoup d’autres, ne sortit même pas des fortifications, caserné dans un poste où les hommes passaient les journées à jouer aux cartes. Et ce fut là que Damour, l’estomac vide, le cœur serré de savoir la misère chez lui, acquit la conviction, en écoutant les nouvelles des uns et des autres, que le gouvernement avait juré d’exterminer le peuple, pour être maître de la république. Berru avait raison : personne n’ignorait qu’Henri V était à Saint-Germain, dans une maison sur laquelle flottait un drapeau blanc. Mais ça finirait. Un de ces quatre matins, on allait leur flanquer des coups de