Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/345

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monde, les événements le jetèrent en Angleterre. De là, il tomba à Bruxelles, à la frontière même de la France. Seulement, il ne songeait plus à y entrer. Dès son arrivée en Amérique, il avait fini par écrire à Félicie. Trois lettres étant restées sans réponse, il en était réduit aux suppositions : ou l’on interceptait ses lettres, ou sa femme était morte, ou elle avait elle même quitté Paris. À un an de distance, il fit encore une tentative inutile. Pour ne pas se vendre, si l’on ouvrait ses lettres, il écrivait sous un nom supposé, entretenant Félicie d’une affaire imaginaire, comptant bien qu’elle reconnaîtrait son écriture et qu’elle comprendrait. Ce grand silence avait comme endormi ses souvenirs. Il était mort, il n’avait personne au monde, plus rien n’importait. Pendant près d’un an, il travailla dans une mine de charbon, sous terre, ne voyant plus le soleil, absolument supprimé, mangeant et dormant, sans rien désirer au delà.

Un soir, dans un cabaret, il entendit un homme dire que l’amnistie venait d’être votée et que tous les communards rentraient. Cela l’éveilla. Il reçut une secousse, il éprouva un besoin de partir avec les autres, d’aller revoir là-bas la rue où il avait logé. Ce fut d’abord une simple poussée ins-