Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/351

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rence, le même oubli, avec des renseignements contradictoires qui l’égaraient davantage. En somme, il paraissait certain que Félicie avait quitté le quartier environ deux ans après son départ pour Nouméa, au moment même où il s’évadait. Et personne ne connaissait son adresse, les uns parlaient du Gros-Caillou, les autres de Bercy. On ne se souvenait même plus de la petite Louise. C’était fini, il s’assit un soir sur un banc du boulevard extérieur et se mit à pleurer, en se disant qu’il ne chercherait pas davantage. Qu’allait-il devenir ? Paris lui semblait vide. Les quelques sous qui lui avaient permis de rentrer en France s’épuisaient. Un instant, il résolut de retourner en Belgique dans sa mine de charbon, où il faisait si noir et où il avait vécu dans un souvenir, heureux comme une bête, dans l’écrasement du sommeil de la terre. Pourtant, il resta, et il resta misérable, affamé, sans pouvoir se procurer du travail. Partout on le repoussait, on le trouvait trop vieux. Il n’avait que cinquante-cinq ans ; mais on lui en donnait soixante-dix, dans le décharnement de ses dix années de souffrance. Il rôdait comme un loup, il allait voir les chantiers des monuments brûlés par la Commune, cherchait les besognes que l’on confie aux enfants et aux