Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/350

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cier, une blanchisseuse, la boulangère où ils se fournissaient autrefois. Alors, pendant un quart d’heure, il hésita, se promena devant les boutiques, en se demandant dans laquelle il oserait entrer, pris d’une sueur, tellement il souffrait du combat qui se livrait en lui. Ce fut le cœur défaillant qu’il se décida pour la boulangère, une femme endormie, toujours blanche comme si elle sortait d’un sac de farine. Elle le regarda et ne bougea pas de son comptoir. Certainement, elle ne le reconnaissait pas, avec sa peau hâlée, son crâne nu, cuit par les grands soleils, sa longue barbe dure qui lui mangeait la moitié du visage. Cela lui rendit quelque hardiesse, et en payant un pain d’un sou, il se hasarda à demander :

— Est-ce que vous n’avez pas, parmi vos clientes, une femme avec une petite fille ?… Madame Damour ?

La boulangère resta songeuse ; puis, de sa voix molle :

— Ah ! oui, autrefois, c’est possible… Mais il y a longtemps. Je ne sais plus… On voit tant de monde !

Il dut se contenter de cette réponse. Les jours suivants, il revint, plus hardi, questionnant les gens ; mais partout il trouva la même indiffé-