Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/364

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Elle ouvrit un secrétaire, en tira fiévreusement un papier et le donna à Damour, qui se mit à le lire d’un air hébété. C’était son acte de décès. Elle ajoutait :

— Alors, je me suis vue toute seule, j’ai cédé à l’offre d’un homme qui voulait me sortir de ma misère et de mes tourments. Voilà toute ma faute. Je me suis laissé tenter par l’idée d’être heureuse. Ce n’est pas un crime, n’est-ce pas ?

Il l’écoutait, la tête basse, plus humble et plus gêné qu’elle-même. Pourtant il leva les yeux.

— Et ma fille ? demanda-t-il.

Félicie s’était remise à trembler. Elle balbutia :

— Ta fille ?… Je ne sais pas, je ne l’ai plus.

— Comment ?

— Oui, je l’avais placée chez ma tante… Elle s’est sauvée, elle a mal tourné.

Damour, un instant, resta muet, l’air très calme, comme s’il n’avait pas compris. Puis, brusquement, lui si embarrassé, donna un coup de poing sur la commode, d’une telle violence, qu’une boîte en coquillages dansa au milieu du marbre. Mais il n’eut pas le temps de parler, car deux enfants, un petit garçon de six ans et une fillette de quatre, venaient d’ouvrir la porte et