Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/372

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honteux. Le peintre avait fini par le plaisanter, en répétant qu’il n’était pas un homme. Mais lui, demeurait grave. Il murmurait :

— Faut les tuer alors !… J’attends que ça me dise.

Un soir, il partit, alla jusqu’à la place Moncey ; puis, après être resté une heure sur un banc, il redescendit à son chantier. Dans la journée, il croyait avoir vu passer sa fille devant l’Hôtel de Ville, étalée sur les coussins d’un landau superbe. Berru lui offrait de faire des recherches, certain de trouver l’adresse de Louise, au bout de vingt-quatre heures. Mais il refusait. À quoi bon savoir ? Cependant, cette pensée que sa fille pouvait être la belle personne, si bien mise, qu’il avait entrevue, au trot de deux grands chevaux blancs, lui retournait le cœur. Sa tristesse en augmenta. Il acheta un couteau et le montra à son camarade, en disant que c’était pour saigner le boucher. La phrase lui plaisait, il la répétait continuellement, avec un rire de plaisanterie.

— Je saignerai le boucher… Chacun son tour, pas vrai ?

Berru, alors, le tenait des heures entières chez un marchand de vin de la rue du Temple, pour le convaincre qu’on ne devait saigner personne.