Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/48

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se doutait de quelque chose, elle redevint prudente. Elle manqua deux rendez-vous. Sa mère lui avait dit que Micoulin ne dormait plus la nuit : il se levait, allait d’une pièce dans une autre. Mais, devant les regards suppliants de Frédéric, le troisième jour, Naïs oublia de nouveau toute prudence. Elle descendit vers onze heures, en se promettant de ne point rester plus d’une heure dehors ; et elle espérait que son père, dans le premier sommeil, ne l’entendrait pas.

Frédéric l’attendait sous les oliviers. Sans parler de ses craintes, elle refusa d’aller plus loin. Elle se sentait trop lasse, disait-elle, ce qui était vrai, car elle ne pouvait, comme lui, dormir pendant le jour. Ils se couchèrent à leur place habituelle, au-dessus de la mer, devant Marseille allumé. Le phare de Planier luisait. Naïs, en le regardant, s’endormit sur l’épaule de Frédéric. Celui-ci ne remua plus ; et peu à peu il céda lui-même à la fatigue, ses yeux se fermèrent. Tous deux, aux bras l’un de l’autre, mêlaient leurs haleines.

Aucun bruit, on n’entendait que la chanson aigre des sauterelles vertes. La mer dormait comme les amants. Alors, une forme noire sortit de l’ombre et s’approcha. C’était Micoulin, qui,