Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/47

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mer, revenait donner un coup de bêche, de sa même allure sournoise. Mais ses petits yeux gris avaient depuis quelque temps une inquiétude. Il jetait sur Naïs des regards obliques, sans rien dire. Elle lui semblait changée, il flairait en elle des choses qu’il ne s’expliquait pas. Un jour, elle osa lui tenir tête. Micoulin lui allongea un tel soufflet qu’il lui fendit la lèvre.

Le soir, quand Frédéric sentit sous un baiser la bouche de Naïs enflée, il l’interrogea vivement.

— Ce n’est rien, un soufflet que mon père m’a donné, dit-elle.

Sa voix s’était assombrie. Comme le jeune homme se fâchait et déclarait qu’il mettrait ordre à cela :

— Non, laisse, reprit-elle, c’est mon affaire… Oh ! ça finira !

Elle ne lui parlait jamais des gifles qu’elle recevait.

Seulement, les jours où son père l’avait battue, elle se pendait au cou de son amant avec plus d’ardeur, comme pour se venger du vieux.

Depuis trois semaines, Naïs sortait presque chaque nuit. D’abord elle avait pris de grandes précautions, puis une audace froide lui était venue, et elle osait tout. Quand elle comprit que son père