Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/61

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les pierres. Enfin, au coude du chemin, elle aperçut Frédéric. Sans doute, il avait déjà fait lever les perdreaux, car il marchait rapidement, à demi courbé, prêt à épauler son fusil. Elle ne voyait toujours pas son père. Puis, tout d’un coup, elle le découvrit de l’autre côté du ravin, sur la pente où elle se trouvait elle-même : il était accroupi, il semblait attendre. À deux reprises, il leva son arme. Si les perdreaux s’étaient envolés entre lui et Frédéric, les chasseurs, en tirant, pouvaient s’atteindre. Naïs, qui se glissait de buisson en buisson, était venue se placer, anxieuse, derrière le vieux.

Les minutes s’écoulaient. En face, Frédéric avait disparu dans un pli de terrain. Il reparut, il resta un moment immobile. Alors, de nouveau, Micoulin, toujours accroupi, ajusta longuement le jeune homme. Mais, d’un coup de pied, Naïs avait haussé le canon, et la charge partit en l’air, avec une détonation terrible, qui roula dans les échos de la gorge.

Le vieux s’était relevé. En apercevant Naïs, il saisit par le canon son fusil fumant, comme pour l’assommer d’un coup de crosse. La jeune fille se tenait debout, toute blanche, avec des yeux qui jetaient des flammes. Il n’osa pas frapper, il bé-