Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/70

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devant eux : elle hochait la tête, elle sentait bien que c’était fini. Leur rendez-vous s’acheva dans un silence embarrassé ; ils regardaient la mer, Marseille qui étincelait, le phare de Planier qui brûlait solitaire et triste ; peu à peu, une mélancolie leur venait de ce vaste horizon. Vers trois heures, lorsqu’il la quitta et qu’il la baisa aux lèvres, il la sentit toute grelottante, glacée entre ses bras.

Frédéric ne put dormir. Il lut jusqu’au jour ; et, enfiévré d’insomnie, il se mit à la fenêtre, dès que l’aube parut. Justement, Micoulin allait partir pour retirer ses jambins. Comme il passait sur la terrasse, il leva la tête.

— Eh bien ! monsieur Frédéric, ce n’est pas ce matin que vous venez avec moi ? demanda-t-il.

— Ah ! non, père Micoulin, répondit le jeune homme, j’ai trop mal dormi… Demain, c’est convenu.

Le méger s’éloigna d’un pas traînard. Il lui fallait descendre et aller chercher sa barque au pied de la falaise, juste sous l’olivier où il avait surpris sa fille. Quand il eut disparu, Frédéric, en tournant les yeux, fut étonné de voir Toine déjà au travail ; le bossu se trouvait près de l’olivier, une pioche à la main, réparant l’étroit canal