Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/82

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pris d’une envie féroce de tomber à coups de poing sur la foule qui barrait les rues : cela l’aurait vengé de la bêtise du destin. Un omnibus faillit l’écraser, rue Richelieu. Au milieu de la place du Carrousel, il jeta aux Tuileries un regard jaloux. Sur le pont des Saints-Pères, une petite fille bien mise l’obligea à s’écarter de son droit chemin, qu’il suivait avec la raideur d’un sanglier traqué par une meute ; et ce détour lui parut une suprême humiliation : jusqu’aux enfants qui l’empêchaient de passer ! Enfin, quand il se fut réfugié dans sa chambre, ainsi qu’une bête blessée revient mourir au gîte, il s’assit lourdement sur sa chaise, assommé, examinant son pantalon que la crotte avait raidi, et ses souliers éculés qui laissaient couler une mare sur le carreau.

Cette fois, c’était bien la fin. Nantas se demandait comment il se tuerait. Son orgueil restait debout, il jugeait que son suicide allait punir Paris. Être une force, sentir en soi une puissance, et ne pas trouver une personne qui vous devine, qui vous donne le premier écu dont vous avez besoin ! Cela lui semblait d’une sottise monstrueuse, son être entier se soulevait de colère. Puis, c’était en lui un immense regret, lorsque