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Page:Zola - Naïs Micoulin, 1884.djvu/84

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des demoiselles du monde viennent leur apporter de grandes passions et de grandes fortunes. Pourtant, il arriva, à cette heure suprême du suicide, qu’il se rappela tout d’un coup cette belle fille blonde, si hautaine. Comment pouvait-elle se nommer ? Mais, au même instant, il serra les poings, car il ne sentait que de la haine pour les gens de cet hôtel dont les fenêtres entrouvertes lui laissaient apercevoir des coins de luxe sévère, et il murmura dans un élan de rage :

— Oh ! je me vendrais, je me vendrais, si l’on me donnait les premiers cent sous de ma fortune future !

Cette idée de se vendre l’occupa un moment. S’il y avait eu quelque part un Mont-de-Piété où l’on prêtât sur la volonté et l’énergie, il serait allé s’y engager. Il imaginait des marchés, un homme politique venait l’acheter pour faire de lui un instrument, un banquier le prenait pour user à toute heure de son intelligence ; et il acceptait, ayant le dédain de l’honneur, se disant qu’il suffisait d’être fort et de triompher un jour. Puis, il eut un sourire. Est-ce qu’on trouve à se vendre ? Les coquins, qui guettent les occasions, crèvent de misère, sans mettre jamais la main sur un acheteur. Il craignit d’être lâche, il se dit qu’il