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NANA

nêtre, en s’aidant d’un tuyau de descente ; sa chambre, située au premier étage, donnait sur le derrière de la maison. Il s’était jeté dans un massif, il sortit du parc et galopa à travers champs, du côté de la Choue, le ventre vide, le cœur sautant d’émotion. La nuit venait, une petite pluie fine commençait à tomber.

C’était bien le soir que Nana devait arriver à la Mignotte. Depuis que Steiner lui avait, au mois de mai, acheté cette maison de campagne, elle était prise de temps à autre d’une telle envie de s’y installer, qu’elle en pleurait ; mais, chaque fois, Bordenave refusait le moindre congé, la renvoyait à septembre, sous prétexte qu’il n’entendait pas la remplacer par une doublure, même pour un soir, en temps d’Exposition. Vers la fin d’août, il parla d’octobre. Nana, furieuse, déclara qu’elle serait à la Mignotte le quinze septembre. Même, pour braver Bordenave, elle invitait en sa présence un tas de gens. Une après-midi, comme Muffat, à qui elle résistait savamment, la suppliait chez elle, secoué de frissons, elle promit enfin d’être gentille, mais là-bas ; et, à lui aussi, elle indiqua le quinze. Puis, le douze, un besoin la prit de filer tout de suite, seule avec Zoé. Peut-être Bordenave, prévenu, allait-il trouver un moyen de la retenir. Cela l’égayait de le planter là, en lui envoyant un bulletin de son docteur. Quand l’idée d’arriver la première à la Mignotte, d’y vivre deux jours, sans que personne le sût, fut entrée dans sa cervelle, elle bouscula Zoé pour les malles, la poussa dans un fiacre, où, très attendrie, elle lui demanda pardon en l’embrassant. Ce fut seulement au buffet de la gare qu’elle songea à prévenir Steiner par une lettre. Elle le priait d’attendre le surlendemain pour la rejoindre, s’il voulait la retrouver bien