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NANA

t’en parlais pas, craignant de te faire de la peine.

— De la peine, pourquoi ? Il est très long, son article.

Elle était flattée qu’on s’occupât de sa personne dans le Figaro. Sans les explications de son coiffeur, Francis, qui lui avait apporté le journal, elle n’aurait pas compris qu’il s’agissait d’elle. Daguenet l’examinait en dessous, en ricanant de son air blagueur. Enfin, puisqu’elle était contente, tout le monde devait l’être.

— Excusez ! cria un garçon, qui les sépara, tenant à deux mains une bombe glacée.

Nana avait fait un pas vers le petit salon, où Muffat attendait.

— Eh bien ! adieu, reprit Daguenet. Va retrouver ton cocu.

De nouveau, elle s’arrêta.

— Pourquoi l’appelles-tu cocu ?

— Parce que c’est un cocu, parbleu !

Elle revint s’adosser au mur, profondément intéressée.

— Ah ! dit-elle simplement.

— Comment, tu ne savais pas ça ! Sa femme couche avec Fauchery, ma chère… Ça doit avoir commencé à la campagne… Tout à l’heure, Fauchery m’a quitté, comme je venais ici, et je me doute d’un rendez-vous chez lui pour ce soir. Ils ont inventé un voyage, je crois.

Nana demeurait muette, sous le coup de l’émotion.

— Je m’en doutais ! dit-elle enfin en tapant sur ses cuisses. J’avais deviné, rien qu’à la voir, l’autre fois, sur la route… Si c’est possible, une femme honnête tromper son mari, et avec cette roulure de Fauchery ! Il va lui en apprendre de propres.