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Page:Zola - Nana.djvu/234

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LES ROUGON-MACQUART

— Oh ! murmura Daguenet méchamment, ce n’est pas son coup d’essai. Elle en sait peut-être autant que lui.

Alors, elle eut une exclamation indignée.

— Vrai !… Quel joli monde ! c’est trop sale !

— Excusez ! cria un garçon chargé de bouteilles, en les séparant.

Daguenet la ramena, la retint un instant par la main. Il avait pris sa voix de cristal, une voix aux notes d’harmonica qui faisait tout son succès auprès de ces dames.

— Adieu, chérie… Tu sais, je t’aime toujours.

Elle se dégagea ; et, souriante, la parole couverte par un tonnerre de cris et de bravos, dont la porte du salon tremblait :

— Bête, c’est fini… Mais ça ne fait rien. Monte donc un de ces jours. Nous causerons.

Puis, redevenant très grave, du ton d’une bourgeoise révoltée :

— Ah ! il est cocu… Eh bien ! mon cher, c’est embêtant. Moi, ça m’a toujours dégoûtée, un cocu.

Quand elle entra enfin dans le cabinet, elle aperçut Muffat, assis sur un étroit divan, qui se résignait, la face blanche, les mains nerveuses. Il ne lui fit aucun reproche. Elle, toute remuée, était partagée entre la pitié et le mépris. Ce pauvre homme, qu’une vilaine femme trompait si indignement ! Elle avait envie de se jeter à son cou, pour le consoler. Mais, tout de même, c’était juste, il était idiot avec les femmes ; ça lui apprendrait. Cependant, la pitié l’emporta. Elle ne le lâcha pas, après avoir mangé ses huîtres, comme elle se l’était promis. Ils restèrent à peine un quart d’heure au Café anglais, et rentrèrent ensemble boulevard Haussmann. Il était onze heures ; avant minuit, elle aurait bien trouvé un moyen doux de le congédier.