Page:Zola - Nana.djvu/262

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
262
LES ROUGON-MACQUART

que Zoé sortait de chez elle. Zoé, bravement, restait sur la brèche, par dévouement pour madame. Plus tard, madame la paierait ; elle n’était pas inquiète. Et, dans la débâcle de l’appartement du boulevard Haussmann, elle tenait tête aux créanciers, elle opérait une retraite digne, sauvant des épaves, répondant que madame voyageait, sans jamais donner une adresse. Même, de peur d’être suivie, elle se privait du plaisir de rendre visite à madame. Cependant, le matin, elle avait couru chez madame Lerat, parce qu’il se passai du nouveau. La veille, des créanciers s’étaient présentés, le tapissier, le charbonnier, la lingère, offrant du temps, proposant même d’avancer une très forte somme à madame, si madame voulait revenir dans son appartement et se conduire en personne intelligente. La tante répéta les paroles de Zoé. Il y avait sans doute un monsieur là-dessous.

— Jamais ! déclara Nana, révoltée. Eh bien ! ils sont propres, les fournisseurs ! Est-ce qu’ils croient que je suis à vendre, pour acquitter leurs mémoires !… Vois-tu, j’aimerais mieux mourir de faim que de tromper Fontan.

— C’est ce que j’ai répondu, dit madame Lerat ; ma nièce a trop de cœur.

Nana, cependant, fut très vexée d’apprendre qu’on vendait la Mignotte et que Labordette l’achetait à un prix ridicule, pour Caroline Héquet. Ça la mit en colère contre cette clique, de vraies roulures, malgré leur pose. Ah ! oui, par exemple, elle valait mieux qu’elles toutes !

— Elles peuvent blaguer, conclut-elle, l’argent ne leur donnera jamais le vrai bonheur… Et puis, vois-tu, ma tante, je ne sais même plus si tout ce monde-là existe. Je suis trop heureuse.