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NANA

Il se récriait, il finit par pouvoir placer une phrase.

— Eh ! je me moque de Rose, je vais la lâcher tout de suite.

Nana parut satisfaite sur ce point. Elle reprit :

— Alors, qu’est-ce qui te gêne ? Bordenave est le maître… Tu me diras qu’il y a Fauchery, après Bordenave…

Elle avait ralenti la voix, elle arrivait au point délicat de l’affaire. Muffat, les yeux baissés, se taisait. Il était resté dans une ignorance volontaire sur les assiduités de Fauchery auprès de la comtesse, se tranquillisant à la longue, espérant s’être trompé, pendant cette nuit affreuse passée sous une porte de la rue Taitbout. Mais il gardait contre l’homme une répugnance, une colère sourdes.

— Eh bien ! quoi, Fauchery, ce n’est pas le diable ! répétait Nana, tâtant le terrain, voulant savoir où en étaient les choses entre le mari et l’amant. On en viendra à bout, de Fauchery. Au fond, je t’assure, il est bon garçon… Hein ? c’est entendu, tu lui diras que c’est pour moi.

L’idée d’une pareille démarche révolta le comte.

— Non, non, jamais ! cria-t-il.

Elle attendit. Cette phrase lui montait aux lèvres : « Fauchery n’a rien à te refuser ; » mais elle sentit que ce serait un peu raide comme argument. Seulement, elle eut un sourire, et ce sourire, qui était drôle, disait la phrase. Muffat, ayant levé les yeux sur elle, les baissa de nouveau, gêné et pâle.

— Ah ! tu n’es pas complaisant, murmura-t-elle enfin.

— Je ne peux pas ! dit-il, plein d’angoisse. Tout ce que tu voudras, mais pas ça, mon amour, oh ! je t’en prie !

Alors, elle ne s’attarda pas à discuter. De ses pe-