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Page:Zola - Nana.djvu/383

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NANA

les roues immenses jetaient un éblouissement d’acier, des tandems légers, fins comme des pièces d’horlogerie, qui filaient au milieu d’un bruit de grelots. Par moments, un cavalier passait, un flot de piétons courait, effaré, à travers les équipages. Sur l’herbe, tout d’un coup, le roulement lointain qui venait des allées du Bois cessait dans un frôlement sourd ; on n’entendait plus que le brouhaha de la foule croissante, des cris, des appels, des claquements de fouet, envolés dans le plein air. Et, lorsque le soleil, sous les coups de vent, reparaissait au bord d’un nuage, une traînée d’or courait, allumait les harnais et les panneaux vernis, incendiait les toilettes ; tandis que, dans cette poussière de clarté, les cochers, très hauts sur leurs sièges, flambaient avec leurs grands fouets.

Mais Labordette descendait d’une calèche où Gaga, Clarisse et Blanche de Sivry lui avaient réservé une place. Comme il se hâtait pour traverser la piste et entrer dans l’enceinte du pesage, Nana le fit appeler par Georges. Puis, quand il fut là :

— À combien suis-je ? demanda-t-elle en riant.

Elle voulait parler de Nana, la pouliche, cette Nana qui s’était laissé battre honteusement dans le prix de Diane, et qui même, en avril et en mai derniers, n’avait pas été placée, en courant le prix Des Cars et la Grande Poule des Produits, gagnés par Lusignan, l’autre cheval de l’écurie Vandeuvres. Du coup, Lusignan était passé grand favori ; depuis la veille, on le prenait couramment à deux contre un.

— Toujours à cinquante, répondit Labordette.

— Diable ! je ne vaux pas cher, reprit Nana, que cette plaisanterie amusait. Alors, je ne me prends pas… Non, fichtre ! je ne mets pas un louis sur moi.