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LES ROUGON-MACQUART

prisonnait son landau, Tatan Néné en compagnie de Maria Blond dans une victoria, Caroline Héquet avec sa mère et deux messieurs dans une calèche, Louise Violaine toute seule, conduisant elle-même un petit panier enrubanné aux couleurs de l’écurie Méchain, orange et vert, Léa de Horn sur une banquette haute de mail-coach, où une bande de jeunes gens faisait un vacarme. Plus loin, dans un huit-ressorts d’une tenue aristocratique, Lucy Stewart, en robe de soie noire très simple, prenait des airs de distinction, à côté d’un grand jeune homme qui portait l’uniforme des aspirants de marine. Mais ce qui stupéfia Nana, ce fut de voir arriver Simonne dans un tandem que Steiner conduisait, avec un laquais derrière, immobile, les bras croisés ; elle était éblouissante, toute en satin blanc, rayé de jaune, couverte de diamants depuis la ceinture jusqu’au chapeau ; tandis que le banquier, allongeant un fouet immense, lançait les deux chevaux attelés en flèche, le premier un petit alezan doré, au trot de souris, le second un grand bai brun, un stepper, qui trottait les jambes hautes.

— Bigre ! dit Nana, ce voleur de Steiner vient donc une fois encore de nettoyer la Bourse !… Hein ? Simonne a-t-elle un chic ! C’est trop, on va l’empoigner.

Pourtant, elle échangea un salut, de loin. Elle agitait la main, elle souriait, se tournait, n’oubliait personne pour se faire voir de tous. Et elle continuait de causer.

— Mais c’est son fils que Lucy traîne avec elle ! Il est gentil, en uniforme… Voilà donc pourquoi elle prend son air ! Vous savez qu’elle a peur de lui et qu’elle se fait passer pour une actrice… Pauvre jeune homme, tout de même ! il ne semble pas se douter.

— Bah ! murmura Philippe en riant, quand elle