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NANA

rire dans la cuisine ; le cocher regardait du fond de la cour, François traversait sans raison le vestibule, puis se hâtait d’aller donner des nouvelles, après avoir jeté au boulanger un ricanement d’intelligence. On se fichait de madame, les murs éclataient, elle se sentait toute seule dans le mépris de l’office, qui la guettait et l’éclaboussait d’une blague ordurière. Alors, comme elle avait eu l’idée d’emprunter les cent trente-trois francs à Zoé, elle l’abandonna ; elle lui devait déjà de l’argent, elle était trop fière pour risquer un refus. Une telle émotion la soulevait, qu’elle rentra dans sa chambre, en parlant tout haut.

— Va, va, ma fille, ne compte que sur toi… Ton corps t’appartient, et il vaut mieux t’en servir que de subir un affront.

Et, sans même appeler Zoé, elle s’habillait fiévreusement pour courir chez la Tricon. C’était sa suprême ressource, aux heures de gros embarras. Très demandée, toujours sollicitée par la vieille dame, elle refusait ou se résignait, selon ses besoins ; et les jours, de plus en plus fréquents, où des trous se faisaient dans son train royal, elle était sûre de trouver là vingt-cinq louis qui l’attendaient. Elle se rendait chez la Tricon, avec l’aisance de l’habitude, comme les pauvres gens vont au mont-de-piété.

Mais, en quittant sa chambre, elle se heurta dans Georges, debout au milieu du salon. Elle ne vit pas sa pâleur de cire, le feu sombre de ses yeux grandis. Elle eut un soupir de soulagement.

— Ah ! tu viens de la part de ton frère !

— Non, dit le petit en blêmissant davantage.

Alors, elle fit un geste désespéré. Que voulait-il ? Pourquoi lui barrait-il le chemin ? Voyons, elle était pressée. Puis, revenant :