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LES ROUGON-MACQUART

dresse compensait les tortures de toute une semaine. Son rapprochement avec sa femme lui avait rendu son intérieur insupportable. La comtesse, lâchée par Fauchery, qui retombait sous l’empire de Rose, s’étourdissait à d’autres amours, dans le coup de fièvre inquiet de la quarantaine, toujours nerveuse, emplissant l’hôtel du tourbillon exaspérant de sa vie. Estelle, depuis son mariage, ne voyait plus son père ; chez cette fille, plate et insignifiante, une femme d’une volonté de fer avait brusquement paru, si absolue, que Daguenet tremblait devant elle ; maintenant, il l’accompagnait à la messe, converti, furieux contre son beau-père qui les ruinait avec une créature. Seul, M. Venot restait tendre pour le comte, guettant son heure ; même il en était arrivé à s’introduire près de Nana, il fréquentait les deux maisons, où l’on rencontrait derrière les portes son continuel sourire. Et Muffat, misérable chez lui, chassé par l’ennui et la honte, préférait encore vivre avenue de Villiers, au milieu des injures.

Bientôt, une seule question demeura entre Nana et le comte : l’argent. Un jour, après lui avoir promis formellement dix mille francs, il avait osé se présenter les mains vides, à l’heure convenue. Depuis l’avant-veille, elle le chauffait de caresses. Un tel manque de parole, tant de gentillesses perdues, la jetèrent dans une rage de grossièretés. Elle était toute blanche.

— Hein ? tu n’as pas la monnaie… Alors, mon petit mufe, retourne d’où tu viens, et plus vite que ça ! En voilà un chameau ! il voulait m’embrasser encore !… Plus d’argent, plus rien ! tu entends !

Il donnait des explications, il aurait la somme le surlendemain. Mais elle l’interrompit violemment.