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NANA

— Et mes échéances ! On me saisira, moi, pendant que monsieur viendra ici à l’œil… Ah ! çà, regarde-toi donc ! Est-ce que tu t’imagines que je t’aime pour tes formes ? Quand on a une gueule comme la tienne, on paie les femmes qui veulent bien vous tolérer… Nom de Dieu ! si tu ne m’apportes pas les dix mille francs ce soir, tu n’auras pas même à sucer le bout de mon petit doigt… Vrai ! je te renvoie à ta femme !

Le soir, il apporta les dix mille francs. Nana tendit les lèvres, il y prit un long baiser, qui le consola de toute sa journée d’angoisse. Ce qui ennuyait la jeune femme, c’était de l’avoir sans cesse dans ses jupes. Elle se plaignait à M. Venot, en le suppliant d’emmener son petit mufe chez la comtesse ; ça ne servait donc à rien, leur réconciliation ? et elle regrettait de s’être mêlée de ça, puisqu’il lui retombait quand même sur le dos. Les jours où, de colère, elle oubliait ses intérêts, elle jurait de lui faire une telle saleté, qu’il ne pourrait remettre les pieds chez elle. Mais, comme elle le criait en se tapant sur les cuisses, elle aurait eu beau lui cracher à la figure, il serait resté, en disant merci. Alors, continuellement, les scènes recommencèrent pour l’argent. Elle en exigeait avec brutalité, c’étaient des engueulades au sujet de sommes misérables, une avidité odieuse de chaque minute, une cruauté à lui répéter qu’elle couchait avec lui pour son argent, pas pour autre chose, et que ça ne l’amusait pas, et qu’elle en aimait un autre, et qu’elle était bien malheureuse d’avoir besoin d’un idiot de son espèce ! On ne voulait même plus de lui à la cour, où l’on parlait d’exiger sa démission. L’impératrice avait dit : « Il est trop dégoûtant. » Ça, c’était bien vrai. Aussi Nana répétait le mot, pour clore toutes leurs querelles.