Page:Zola - Nana.djvu/54

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
54
LES ROUGON-MACQUART

— Te voilà ! ce n’est pas malheureux ! dit madame Lerat, les lèvres pincées, encore vexée des cinq cents de madame Maloir. Tu peux te flatter de faire poser les gens !

— Madame n’est pas raisonnable, vraiment ! ajouta Zoé.

Nana, déjà mécontente, fut exaspérée par ces reproches. Si c’était comme ça qu’on l’accueillait, après l’embêtement qu’elle venait d’avoir !

— Fichez-moi la paix, hein ! cria-t-elle.

— Chut ! madame, il y a du monde, dit la bonne.

Alors, baissant la voix, la jeune femme bégaya, haletante :

— Est-ce que vous croyez que je me suis amusée ? Ça n’en finissait plus. J’aurais bien voulu vous y voir… Je bouillais, j’avais envie de ficher des claques… Et pas un fiacre pour revenir. Heureusement, c’est à deux pas. N’importe, j’ai joliment couru.

— Tu as l’argent ? demanda la tante.

— Tiens ! cette question ! répondit Nana.

Elle s’était assise sur une chaise, contre le fourneau, les jambes coupées par sa course ; et, sans reprendre haleine, elle tira de son corsage une enveloppe, dans laquelle se trouvaient quatre billets de cent francs. On voyait les billets par une large déchirure, qu’elle avait faite d’un doigt brutal, pour s’assurer du contenu. Les trois femmes, autour d’elle, regardaient fixement l’enveloppe, un gros papier froissé et sali, entre ses petites mains gantées. Il était trop tard, madame Lerat n’irait que le lendemain à Rambouillet. Nana entrait dans de grandes explications.

— Madame, il y a du monde qui attend, répéta la femme de chambre.