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NANA

Mais elle s’emporta de nouveau. Le monde pouvait attendre. Tout à l’heure, quand elle ne serait plus en affaire. Et, comme sa tante avançait la main vers l’argent :

— Ah ! non, pas tout, dit-elle. Trois cents francs à la nourrice, cinquante francs pour ton voyage et ta dépense, ça fait trois cent cinquante… Je garde cinquante francs.

La grosse difficulté fut de trouver de la monnaie. Il n’y avait pas dix francs dans la maison. On ne s’adressa même pas à madame Maloir, qui écoutait d’un air désintéressé, n’ayant jamais sur elle que les six sous d’un omnibus. Enfin, Zoé sortit en disant qu’elle allait voir dans sa malle, et elle rapporta cent francs, en pièces de cent sous. On les compta sur un bout de la table. Madame Lerat partit tout de suite, après avoir promis de ramener Louiset le lendemain.

— Vous dites qu’il y a du monde ? reprit Nana, toujours assise, se reposant.

— Oui, madame, trois personnes.

Et elle nomma le banquier le premier. Nana fit une moue. Si ce Steiner croyait qu’elle se laisserait ennuyer, parce qu’il lui avait jeté un bouquet la veille !

— D’ailleurs, déclara-t-elle, j’en ai assez. Je ne recevrai pas. Allez dire que vous ne m’attendez plus.

— Madame réfléchira, madame recevra monsieur Steiner, murmura Zoé sans bouger, d’un air grave, fâchée de voir sa maîtresse sur le point de faire encore une bêtise.

Puis, elle parla du Valaque, qui devait commencer à trouver le temps long, dans la chambre. Alors, Nana, furieuse, s’entêta davantage. Personne, elle ne voulait voir personne ! Qui est-ce qui lui avait fichu un homme aussi collant !