Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cela, et elle n’a pas pu. Elle pense qu’elle est trop petite, qu’il faut être grande pour savoir. Sa mère sait, sans doute, cette chose qu’on cache aux enfants. Si elle osait, elle lui demanderait qui vous met ainsi au monde pour que vous ayez faim.

Puis, c’est si laid, chez eux ! Elle regarde la fenêtre où bat la toile du matelas, les murs nus, les meubles écloppés, toute cette honte du grenier que le chômage salit de son désespoir. Dans son ignorance, elle croit avoir rêvé des chambres tièdes avec de beaux objets qui luisaient ; elle ferme les yeux pour revoir cela; et, à travers ses paupières amincies, la lueur de la chandelle devient un grand resplendissement d’or dans lequel elle voudrait entrer. Mais le vent souffle, il vient un tel courant d’air par la fenêtre qu’elle est prise d’un accès de toux. Elle a des larmes plein les yeux.

Autrefois, elle avait peur, lorsqu’on la laissait toute seule ; maintenant, elle ne sait plus, ça lui est égal. Comme on n’a pas mangé depuis la veille, elle pense que sa mère est descendue chercher du pain. Alors, cette idée l’amuse. Elle taillera son pain en tout petits morceaux ; elle les prendra lentement, un à un. Elle jouera avec son pain.

La mère est rentrée ; le père a fermé la porte. La petite leur regarde les mains à tous deux, très--