Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/172

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qui était hier et de ce qui sera demain. Les fleurs, ce sont les sourires des filles ; les fruits, ce sont les besognes des hommes.

Là, il n’y a pas crime à cueillir les bleuets et les coquelicots. Les enfants viennent faire des bouquets. Le curé ne se fâche que quand ils montent dans les pruniers. Les pruniers sont au curé, mais les fleurs sont à tout le monde. Parfois, on est obligé de faucher le cimetière ; l’herbe est si haute, que les croix de bois noir sont noyées ; alors, c’est la jument du curé qui mange le foin. Le village n’y entend pas malice, et pas un des paroissiens ne songe à accuser la jument de mordre à l’âme des morts.

Mathurine avait planté un rosier sur la tombe de son promis, et tous les dimanches, en mai, Mathurine allait cueillir une rose qu’elle mettait à son fichu. Elle passait le dimanche dans le parfum de son amour disparu. Quand elle baissait les yeux sur son fichu, il lui semblait que son promis lui souriait.

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J’aime les cimetières, quand le ciel est bleu. J’y vais tête nue, oubliant mes haines, comme