Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/173

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans une ville sainte où l’on est tout amour et tout pardon.

Un de ces derniers matins, je suis allé au Père-Lachaise. Le cimetière, sur la limpidité bleue de l’horizon, étageait ses rangs de tombes blanches. Des masses d’arbres montaient sur la hauteur, laissant voir, sous la dentelle encore tendre de leurs feuilles, les coins éclatants des grands tombeaux. Le printemps est doux pour les champs déserts où reposent nos morts bien-aimés ; il sème de gazon les molles allées que suivent à pas lents les jeunes veuves ; il blanchit les marbres d’une gaieté enfantine et claire. De loin, le cimetière ressemblait à un énorme bouquet de verdure, piqué çà et là d’une touffe d’aubépine. Les tombeaux sont comme les fleurs virginales des herbes et des feuillages.

_____


J’ai suivi lentement les allées. Quel silence frissonnant, quelles senteurs pénétrantes, quels souffles tièdes, venus on ne sait d’où, comme des haleines caressantes de femmes qu’on ne voit pas ! On sent que tout un peuple dort dans cette terre émue et douloureuse sous le pied du promeneur.