Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/178

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sautaient gaillardement dans l’herbe, à ses pieds. À tour de rôle, ils venaient voler un brin de foin et se sauvaient sur un arbre voisin. Ils bâtissaient leur nid. La femelle prenait délicatement chaque fétu, le tressait aux autres matériaux déjà apportés, l’aplatissait sous le poids tiède et frissonnant de sa gorge. C’était un va-et-vient furtif, une besogne d’amour où la tendresse suppléait à la force.

L’inconnue vêtue de soie grise, contemplait les deux amants qui préparaient en toute hâte le berceau. Elle apprenait la science des pauvres gens qui n’ont que quelques brins de foin et la chaleur de leurs caresses pour protéger leurs petits contre les nuits fraîches.

Elle eut un sourire d’une douceur triste, et je crus lire la rêverie qui passait dans ses yeux songeurs.

— « Hélas ! je suis riche, je dois ignorer la joie de ces oiseaux. Un ébéniste fait en ce moment la bercelonnette de bois de rose, dans laquelle une nourrice normande ou picarde bercera mon enfant. Un métier fabrique quelque part les tissus de laine et de fil qui réchaufferont ses membres délicats. Une ouvrière coud la layette. Une sage-femme donnera les premiers soins au nouveau-né. Je ne se-