Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/246

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étonné, respirant à l’aise. Mon oncle ne prêchait pas.

— C’est une belle matinée, reprit-il, une matinée de jeunesse. Tes dix-huit ans vivent largement, au milieu de ces verdures âgées au plus de dix-huit jours. Tout est splendeur et parfum, n’est-ce pas ? la grande vallée te semble un lieu de délices : la rivière est là pour te donner sa fraîcheur, les arbres pour te prêter leur ombre, la campagne entière pour te parler de tendresse, le ciel lui-même pour embraser ces horizons que tu interroges avec espérance et désir. Le printemps appartient aux gamins de ton âge. C’est lui qui enseigne aux garçons la façon de faire boire les jeunes filles…

Je baissai la tête de nouveau. Décidément, mon oncle Lazare m’avait vu.

— Un vieux bonhomme comme moi, continua-t-il, sait malheureusement à quoi s’en tenir sur les grâces du printemps. Moi, mon pauvre Jean, j’aime la Durance parce qu’elle arrose ces prairies et qu’elle fait vivre toute la vallée ; j’aime ces jeunes feuillages parce qu’ils m’annoncent les fruits de l’été et de l’automne ; j’aime ce ciel parce qu’il est bon pour nous, parce que sa chaleur hâte la fécondité de la terre. Il me faudrait te dire cela un jour ou l’autre ; je préfère te le dire aujourd’hui, à