Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/251

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jour. J’allai, je crois, me coucher sous mes saules, au bord de l’eau. Mon oncle avait raison, la terre travaillait. En appliquant l’oreille contre le gazon, il me semblait entendre des bruits continus. Alors, je rêvais ma vie. Enfoncé dans l’herbe, jusqu’au soir, j’arrangeai une existence toute de travail, entre Babet et mon oncle Lazare. La jeunesse énergique de la terre avait pénétré dans ma poitrine, que j’appuyais fortement contre la mère commune, et je m’imaginais par instants être un des saules vigoureux qui vivaient autour de moi. Le soir, je ne pus dîner. Mon oncle comprit sans doute les pensées qui m’étouffaient, car il feignit de ne pas remarquer mon peu d’appétit. Dès qu’il me fut permis de me lever, je me hâtai de retourner respirer l’air libre du dehors.

Un vent frais montait de la rivière, dont j’entendais au loin les clapotements sourds. Une lumière veloutée tombait du ciel. La vallée s’étendait comme une mer d’ombre, sans rivage, douce et transparente. Il y avait des bruits vagues dans l’air, une sorte de frémissement passionné, comme un large battement d’ailes, qui aurait passé sur ma tête. Des odeurs poignantes montaient avec la fraîcheur de l’herbe.

J’étais sortis pour voir Babet ; je savais que, tous