qui traînait depuis huit jours peut-être dans les sacs de cuir de l’administration des postes. Je n’eus que le temps de reconnaître l’écriture de mon oncle Lazare.
— En avant, marche ! cria le commandant.
Il me fallut marcher. Pendant quelques secondes, je tins ma pauvre lettre à la main, la dévorant des yeux ; elle me brûlait les doigts, j’aurais donné tout au monde pour m’asseoir, pour pleurer à mon aise en la lisant. Je dus me décider à la glisser sous ma tunique, contre mon cœur.
Jamais je n’avais éprouvé une angoisse pareille. Je me disais, pour me consoler, ce que mon oncle m’avait répété souvent : j’étais à l’été de ma vie, à l’heure de la lutte ardente, et il me fallait remplir bravement mon devoir, si je voulais avoir un automne paisible et fécond. Mais ces raisonnements m’exaspéraient davantage ; cette lettre, qui venait me parler de bonheur, brûlait mon cœur révolté contre la folie de la guerre. Et je ne pouvais même la lire ! J’allais mourir peut-être sans savoir ce qu’elle contenait, sans entendre une dernière fois les bonnes paroles de mon oncle Lazare.
Nous étions arrivés sur le coteau. Nous devions