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J’achevai la lettre de mon oncle Lazare.

« Je voulais simplement, disait-il encore, te donner de nos nouvelles, te supplier de venir au plus tôt nous rendre heureux. Et voilà que je pleure, que je bavarde comme un vieil enfant. Espère, mon pauvre Jean, je prie, et Dieu est bon.

« Réponds-moi vite, fixe-moi, s’il est possible, l’époque de ton retour. Nous comptons les semaines, Babet et moi. À bientôt, bonne espérance. »

L’époque de mon retour !… Je baisai la lettre en sanglotant, je crus un instant que j’embrassais Babet et mon oncle. Jamais, sans doute, je ne les reverrais. J’allais mourir comme un chien, dans la poussière, sous le soleil de plomb. Et c’était dans cette plaine désolée, au milieu de râles d’agonie, que mes chères affections me disaient adieu. Un silence bourdonnant m’emplissait les oreilles ; je regardais la terre blanche tachée de sang, qui s’étendait déserte jusqu’aux lignes grises de l’horizon. Je répétais : « Il faut mourir. » Alors, je fermai les yeux, j’évoquai le souvenir de Babet et de mon oncle Lazare.

Je ne sais combien je passai de temps dans une sorte de somnolence douloureuse. Mon cœur souffrait autant que ma chair. Des larmes coulaient