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l’automne. Regarde : la vallée vient encore une fois d’achever son travail.

— Je me souviens, cher oncle, répondis-je. J’avais grand’peur ce jour-là ; mais vous étiez bon, et votre leçon fut convaincante. Je vous dois toutes mes joies.

— Oui, tu en es à l’automne, tu as travaillé et tu récoltes. L’homme, mon enfant, a été créé à l’image de la terre. Et, comme la mère commune, nous sommes éternels : les feuilles vertes renaissent chaque année des feuilles sèches ; moi, je renais en toi, et toi, tu renaîtras dans tes enfants. Je te dis cela pour que la vieillesse ne t’effraye pas, pour que tu saches mourir en paix, comme meurt cette verdure, qui repoussera de ses propres germes au printemps prochain.

J’écoutais mon oncle, et je songeais à Babet, qui dormait dans son grand lit de toile blanche. La chère créature allait enfanter, à l’image de ce sol puissant qui nous avait donné la fortune. Elle aussi en était à l’automne : elle avait le sourire fort, l’ampleur sereine de la vallée. Je croyais la voir sous le soleil blond, lasse et heureuse, trouvant une généreuse volupté à être mère. Et je ne savais plus si mon oncle Lazare me parlait de ma chère vallée ou de ma chère Babet.