Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/280

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Il alla chercher sa canne, et nous descendîmes l’allée de chênes. Lorsque nous fûmes au bout de l’allée, sur cette terrasse qui dominait la Durance, nous nous arrêtâmes tous deux, regardant la vallée.

De petits nuages blancs frissonnaient dans le ciel pâle. Le soleil avait des rayons blonds qui jetaient comme une poussière d’or sur la campagne, dont la nappe jaune s’étendait toute mûre, n’ayant plus les lumières ni les ombres énergiques de l’été. Les feuillages doraient, par larges plaques, la terre noire. La rivière coulait plus lente, lasse d’avoir fécondé les champs pendant une saison. Et la vallée restait calme et forte. Elle portait déjà les premières rides de l’hiver, mais son flanc gardait la chaleur de ses derniers enfantements, étalant ses formes amples, dépouillée des herbes folles du printemps, plus orgueilleusement belle de cette seconde jeunesse de la femme qui a fait œuvre de vie.

Mon oncle Lazare resta silencieux ; puis, se tournant vers moi :

— Te souviens-tu ? Jean, me dit-il, il y a plus de vingt ans, je t’ai conduit ici par une jeune matinée de mai. Ce jour-là, je t’ai montré la vallée prise d’une activité folle, travaillant aux fruits de