Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/285

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— Mon oncle, mon oncle ! criai-je, voyez donc courir Marguerite… Je crois que c’est pour aujourd’hui.

Mon oncle Lazare devint tout pâle. La servante était enfin arrivée sur le plateau ; elle venait à nous, en sautant par-dessus les vignes. Quand elle fut devant moi, l’haleine lui manqua ; elle étouffait, appuyant les mains sur sa poitrine.

— Parlez donc ! lui dis-je. Qu’arrive-t-il ?

Elle poussa un gros soupir, fit aller les mains, put enfin prononcer ce seul mot :

— Madame…

Je n’attendis pas davantage.

— Venez, venez vite, oncle Lazare ! Ah ! ma pauvre et chère Babet !

Et je descendis le sentier, lancé à me briser les os. Les vendangeurs, qui s’étaient mis debout, me regardaient courir en souriant. L’oncle Lazare, ne pouvant me rejoindre, agitait sa canne avec désespoir.

— Hé ! Jean, que diable ! criait-il, attends-moi. je ne veux pas arriver le dernier.

Mais je n’entendais plus l’oncle Lazare, je courais toujours.

J’arrivai à la ferme, haletant, plein de terreur et d’espérance. Je montai rapidement l’escalier,