Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/287

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parole. Nous tendions l’oreille avec angoisse, nous ne quittions pas des yeux la fenêtre de Babet, cherchant à voir au travers des petits rideaux blancs. L’oncle, tremblant, restait immobile, les deux mains appuyées fortement sur sa canne ; moi, pris de fièvre, je marchais devant lui à grands pas. Par moments, nous échangions des sourires inquiets.

Les charrettes des vendangeurs arrivaient une à une. Les paniers de raisin étaient posés contre un des murs de la cour, et des hommes, les jambes nues, foulaient les grappes sous leurs pieds, dans des auges de bois. Les mulets hennissaient, les charretiers juraient, tandis que le vin tombait avec des bruits sourds au fond de la cuve. Des odeurs âcres montaient dans l’air tiède.

Et j’allais toujours de long en large, comme grisé par ces odeurs. Ma pauvre tête éclatait, je songeais à Babet, en regardant couler le sang du raisin. Je me disais avec une joie toute physique que mon enfant naissait à l’époque féconde de la vendange, dans les senteurs du vin nouveau.

L’impatience me torturait, je montai de nouveau. Mais je n’osai frapper, je collai mon oreille contre le bois de la porte, et j’entendis les plaintes de Babet, qui sanglotait tout bas. Alors le cœur me