Page:Zola - Nouveaux contes à Ninon, 1893.djvu/297

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

oreilles, on marche gaillardement dans les sentiers gelés qui sonnent sous les pas avec des bruits d’argent. Les champs s’élargissent, propres et nets, blancs de glace, jaunes de soleil. Mais je ne sais rien de plus attristant que ces temps fades de dégel ; je hais les brouillards dont l’humidité pèse aux épaules.

Je frissonnai devant ce ciel cuivré ; je me hâtai de rentrer, décidé à ne point aller aux champs, ce jour-là. Il ne manquait pas de travail dans l’intérieur de la ferme.

Jacques était levé depuis longtemps. Je l’entendais siffler sous un hangar, où il donnait un coup de main à des hommes qui enlevaient des sacs de blé. Le garçon avait déjà dix-huit ans ; c’était un grand gaillard, aux bras forts. Il n’avait pas eu un oncle Lazare pour le gâter et lui apprendre le latin, il n’allait point rêver sous les saules de la rive. Jacques était devenu un vrai paysan, un travailleur infatigable, qui se fâchait, lorsque je touchais à quelque chose, me disant que je me faisais vieux et que je devais me reposer.

Et, comme je le regardais de loin, un être doux et léger, qui me sauta sur les épaules, posa ses petites mains sur mes yeux, en me demandant :

— Qui est-ce ?