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— Je suis deux fois plus gros que lui, me dit-il un jour, et c’est lui qui a deux fois plus à manger que moi. Il ne laisse rien, va ; il n’en a pas de trop !


IV


Or, les meneurs avaient résolu que nous devions à la fin nous révolter contre la morue à la sauce rousse et les haricots à la sauce blanche.

Naturellement, les conspirateurs offrirent au grand Michu d’être leur chef. Le plan de ces messieurs était d’une simplicité héroïque : il suffirait, pensaient-ils, de mettre leur appétit en grève, de refuser toute nourriture, jusqu’à ce que le proviseur déclarât solennellement que l’ordinaire serait amélioré. L’approbation que le grand Michu donna à ce plan, est un des plus beaux traits d’abnégation et de courage que je connaisse. Il accepta d’être le chef du mouvement, avec le tranquille héroïsme de ces anciens Romains qui se sacrifiaient pour la chose publique.

Songez donc ! lui se souciait bien de voir disparaître la morue et les haricots ; il ne souhaitait qu’une chose, en avoir davantage, à discrétion ! Et,