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IV


Cette après-midi, au sortir des mains de Julie, la marquise, vêtue d’une délicieuse toilette polonaise, est allée patiner. Elle patine adorablement.

Il faisait, au bois, un froid de loup, une bise qui piquait le nez et les lèvres de ces dames, comme si le vent leur eût soufflé du sable fin au visage. La marquise riait, cela l’amusait d’avoir froid. Elle allait, de temps à autre, chauffer ses pieds aux brasiers allumés sur les bords du petit lac. Puis elle rentrait dans l’air glacé, filant comme une hirondelle qui rase le sol.

Ah ! quelle bonne partie, et comme c’est heureux que le dégel ne soit pas encore venu ! La marquise pourra patiner toute la semaine.

En revenant, la marquise a vu, dans une contre-allée des Champs-Élysées, une pauvresse grelottant au pied d’un arbre, à demi morte de froid.

— La malheureuse ! a-t-elle murmuré d’une voix fâchée.

Et comme la voiture filait trop vite, la marquise, ne pouvant trouver sa bourse, a jeté son bouquet à la pauvresse, un bouquet de lilas blancs qui valait bien cinq louis.